3.6 Une amélioration très lente
Sous les derniers rois de France (Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe), la Martinique n’évolua que faiblement sur le plan des droits humains, bien que à partir de 1830 les Noirs et les mulâtres aient obtenu en principe les mêmes droits que les Blancs. Précisons aussi, que, contrairement à la Guadeloupe, la Martinique resta plus longtemps royaliste et demeura plus fidèle à l’Ancien Régime. Quoi qu’il en soit, la IIIe République de 1870 marqua un réel progrès, car non seulement le suffrage universel masculin fut institué, mais l’enseignement public obligatoire, laïc et gratuit, fut étendu à tous les Martiniquais (1881). Toutefois, la situation des classes ouvrières resta précaire, car la scolarisation des enfants entraînait des dépenses supplémentaires auxquelles les parents ne pouvaient pas toujours faire face. En réalité, le niveau de vie des Martiniquais "de couleur" ne connut une amélioration significative que vers le milieu du XXe siècle. En 1898, on comptait 175 000 habitants en Martinique, dont 150 000 Noirs et mulâtres (85 %), 15 000 Indiens (8,5 %) et 10 000 Blancs (5,7 %).
En 1902, suite à l’éruption de la montagne Pelée (le 8 mai 1902), qui avait détruit la ville de Saint-Pierre et causé la mort de 28 000 habitants en quelques minutes, une importante vague d’émigration s’ensuivit et la Guyane française devint alors la principale destination des réfugiés martiniquais. C'est pour cette raison que l'on trouve une si forte colonie martiniquaise en Guyane, particulièrement aux environs de Saint-Laurent-du-Maroni et à Rémire-Montjoly près de Cayenne. C’est Fort-de-France qui est devenue la capitale de la Martinique après la destruction de la ville de Saint-Pierre.
3.7 La départementalisation
Le 19 mars 1946, près de 100 ans après la recommandation du député Victor Schoelcher, l’Assemblée nationale française adopta la loi dite de l’assimilation, qui transformait les "Quatre Vieilles" colonies (la Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane française) en départements français. Ainsi, l’île de la Martinique devint un département français d’outre-mer (DOM). Depuis la loi du 19 mars 1946, la Martinique est dotée d’un Conseil régional et d’un Conseil général. Ce nouveau statut apporta une certaine richesse économique, mais la situation sociale ne s'améliora que lentement et à travers une succession de nombreux conflits sociaux (1948, 1954, 1956, etc.). En 1963, le gouvernement français créa le BUMIDOM, le Bureau des migrations des départements d'outre-mer, afin de soulager la région du fardeau démographique et de l’accroissement du chômage: le départ annuel de 10 000 Antillais vers l'Hexagone, afin d’occuper des fonctions subalternes dans la fonction publique (PTT, hôpitaux, administrations diverses), a constitué une solution temporaire, sans que les problèmes de fond n’aient été abordés.
La décennie soixante-dix vit la montée de revendications indépendantistes nourries à la fois par le marxisme et par le modèle cubain; ces mouvements connurent un certain apaisement lors de l’adoption de la loi du 2 mars 1982, qui érigeait la région en collectivité territoriale et faisait de la Martinique une des 26 Régions françaises. Les élites politiques martiniquaises reçurent alors un surcroît de responsabilités dans le développement économique de leur département, qui devint largement subventionné à la fois par l'État français et par l'Union européenne. Cependant, la transformation de l'économie et de la société martiniquaise, bien que nécessaire en raison de l’effondrement de l’industrie sucrière, s’avéra difficile pour la population qui a dû se rendre à l’évidence: l'ancienne économie basée sur une agriculture d'exportation (banane, rhum et canne à sucre) n'avait plus qu'un avenir fort limité en Martinique. Dorénavant, l’industrie prometteuse, c’est davantage le tourisme et l’industrialisation.
Aujourd’hui, les Martiniquais ont définitivement remis en cause la solution de l’émigration (maintenant disqualifiée) vers la Métropole. Du côté de l’État français, le recours systématique aux subventions a fini par devenir une forme d’assistanat perpétuel dans une île d’assistés sociaux où le taux de chômage avoisine les 35 %. Enfin, en Martinique comme en Guadeloupe, la problématique identitaire martiniquaise n’a pas été résolue, puisque l’assimilation à la culture européenne, surtout depuis l’intégration à l’Union européenne, s’avère en totale contradiction avec la réalité géostratégique de la Martinique au sein des Antilles. Par ailleurs, depuis plusieurs années, les Martiniquais créolophones s’impliquent davantage dans la gestion de l'île et la nomination d’un «Métro» à un poste-clé ne va plus de soi. À ce sujet, les années quatre-vingt-dix ont été marquées par des grèves dont la revendication principale portait sur l'égalité des traitements entre Blancs et Noirs occupant des postes identiques.