Et voici venu le Carême
Dans le langage courant de la Martinique le mot carême désigne une saison sèche et chaude qui, d’habitude, donne bien du mal aux agriculteurs et aux éleveurs.
Pour l’Eglise, au contraire, le Carême est un temps de grâce, c’est-à-dire un cadeau fait par Dieu à ses enfants pour leur permettre de mieux vivre son amour.
Carême vient d’un mot latin qui signifie « quarante », « quarantaine ».
Le Carême évoque, en effet, les quarante ans que le peuple de Dieu a passés dans le désert à sa sortie d’Egypte, une fois libéré de l’esclavage qu’il subissait dans ce pays-là. Il avait été mené par Dieu au désert, sous la conduite de Moïse pour se préparer à entrer dans la terre promise.
Au désert, le peuple avait fait l’expérience de sa fragilité, de sa misère et de sa dépendance. Il avait été tenté de se mettre sous la protection des idoles, ou même, de retourner en Egypte pour y manger à sa faim, quitte à redevenir esclave. Ce séjour au désert lui avait été bénéfique, car il avait finalement pris conscience que seul Dieu pouvait vraiment l’abreuver, le nourrir, le garder en vie et le rendre heureux.
Avant de commencer sa mission Jésus, lui aussi, a été conduit au désert par l’Esprit, pour être mis à l’épreuve de la tentation pendant quarante jours.
La tentation n’est pas le péché mais plutôt l’occasion de faire un choix. Saint Augustin disait à ce propos : « Notre progrès se réalise par notre épreuve. Personne ne se connaît soi-même sans avoir été éprouvé, personne ne peut-être couronné sans avoir vaincu, personne ne peut vaincre sans avoir combattu, et personne ne peut combattre sans avoir rencontré l’ennemi et les tentations ».
Au désert, Jésus a connu la tentation : Il a eu envie de se servir de sa condition de Fils de Dieu pour satisfaire ses besoins matériels.
Il a été tenté d’utiliser Dieu son Père pour se protéger des dangers et avoir facilement du succès aux yeux du peuple.
Il a éprouvé la tentation de préférer les richesses et le pouvoir aux exigences de sa mission.
Mais il est sorti victorieux de toutes ces tentations qui ont été pour lui autant d’occasions de confirmer sa fidélité à Dieu son Père et son amour pour les hommes ses frères.
Le Carême est un temps pendant lequel l’Esprit de Dieu nous conduit, nous aussi, au désert pour vérifier la qualité de notre foi. Les tentations rencontrées par Jésus sont celles que nous devons affronter tous les jours.
Comme lui, nous sommes confrontés aux séductions de la richesse, du pouvoir, de la notoriété.
Nous rencontrons, comme Lui, la tentation de nous en servir pour atteindre nos objectifs personnels.
Et parfois nous sommes tentés aussi d’utiliser, pour notre seul profit, les pouvoirs et responsabilités qui nous sont confiés.
Le Carême nous invite à aller au désert pour faire le point sur tout cela.
Le désert, pour nous, c’est d’abord la distance que l’Eglise nous invite à prendre par rapport aux divertissements, aux mondanités, à tout ce qui, habituellement, nous dissipe, nous disperse, nous fait vivre superficiellement et nous empêche de rentrer un peu en nous-mêmes pour nous poser les questions essentielles concernant notre vie.
Ces questions qu’aucun homme ne peut indéfiniment éluder, se formulent à peu près de cette manière : « qui suis-je ? D’où est-ce que je viens ? Quel sens à ma vie ? Qu’est-ce qu’il y a au terme de ma vie ? ».
Jésus-Christ est venu répondre à ces questions et le Carême nous invite d’abord à prendre le temps de l’écouter sérieusement. Jésus dit en effet : « Quel avantage l’homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paie de sa vie ? Ou bien que donnera l’homme qui ait la valeur de sa vie ? » (Matthieu 17,20).
Le lieu privilégié de la Parole de Dieu est la Bible. C’est grâce à la Parole de Dieu que Jésus a tenu tête au tentateur. Jésus est lui-même Parole vivante dont nous devons nous nourrir pour avoir la vraie vie en nous.
Jésus disait encore : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu » (Matthieu 4,6).
Pendant le Carême prenons le temps de découvrir les Livres qui constituent la Bible. Lisons ou relisons en entier l’un des quatre Evangiles. Cherchons à connaître la Parole du Jour, dans nos missels, dans Prions en Eglise ou Magnificat et nourrissons-nous de cette Parole.
> Mercredi ou vendredi des Cendres ?
C’est le mercredi, appelé à juste titre « mercredi des cendres », que pour l’Eglise catholique universelle commence le Carême. Mais pour la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, ce geste de pénitence que constitue l’imposition des cendres a été reporté, par un induit de Rome, au vendredi suivant le mercredi des cendres.
Au fil des temps, le mercredi des cendres était devenu le jour où on brûle Vaval, La confusion s’était installée, laissant croire que les cendres imposées aux fidèles étaient celles de Vaval, bonne raison pour continuer à s’amuser et à courir le vidé après les avoir reçues.
Au lieu d’être un jour de prière et de jeûne, un jour où l’on décide de revenir à Dieu de tout son cœur, le mercredi des cendres était devenu et est resté encore le jour où le carnaval connaît son paroxysme. L’Eglise locale a donc préféré attendre que l’effervescence populaire retombe, que les esprits se calment, que les cerveaux se désembuent de leur alcool, pour proposer la démarche pénitentielle d’entrée en Carême et qu’elle se fasse plus sérieusement.
Les Evêques des trois diocèses constituant la Province Ecclésiastique des Antilles et de la Guyane, après approbation spéciale de Rome, ont donc retenu le vendredi suivant le mercredi des cendres pour en faire le jour de l’imposition des cendres et celui de l’ouverture officielle du Carême dans leurs Eglises particulières.
Les chrétiens de ces trois diocèses n’ont donc pas d’état d’âme à se faire. Ils n’ont pas à se sentir écartelés entre ce qui se fait ailleurs et la coutume établie dans leur Eglise particulière depuis maintenant plus de trente cinq ans. Ils n’ont qu’à suivre les décisions de leurs Evêques qui sont les responsables de la pastorale de l’Eglise particulière qui leur est confiée.
> Que veut dire l’imposition des Cendres ?
C’est un geste que l’on retrouve bien souvent dans la Bible. S’asseoir sur la cendre, se couvrir la tête de cendres, c’est un constat d’impuissance et de misère. C’est un geste que l’on fait en présence de Dieu pour lui dire : « Vois ce que nous sommes. Nous ne sommes que poussière. Sans toi, notre vie sorite de la poussière retombera en poussière ».
C’est avouer que nous ne sommes rien, sans Dieu et c’est explicitement lui dire qu’à cause de nos péchés nous avons besoins de son pardon, de sa tendresse, de sa miséricorde.
Par la bouche de ses prophètes, Dieu n’a cessé de dire aux hommes qu’il leur veut du bien. Dieu est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour. Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Revenez à moi, nous dit Dieu.
Le Carême nous invite à nous convertir, c'est-à-dire à revenir vers lui en lui ouvrant notre cœur.
C’est d’ailleurs à cette ouverture que nous invite l’Evangile. Il y est question de Prière, de Jeûne et d’Aumône.
Jeûner c’est se priver de nourriture. Pour apprendre à se décentrer de soi-même. En apprenant à maîtriser nos besoins de manger et de boire, en pratiquant l’ascèse en dominant nos instincts, nous prenons conscience qu’il existe autre chose d’aussi important sinon plus, que nos besoins physiques et matériels. Nous prenons conscience que l’homme ne vit pas que de pain mais se nourrit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Cela nous conduit à nous décentrer de nous-mêmes pour nous ouvrir à un autre qui est Dieu.
Prier, c’est précisément se centrer sur Dieu, lui parler, l’écouter, découvrir son amour et sa tendresse, croire en sa miséricorde. Et c’est cela qui peut changer nos cœurs et nous permettre de nous tourner, de nous centrer sur nos frères dans l’Aumône.
L’aumône : le mot aumône a la même racine que le mot éléison que nous disons si souvent et qui signifie prends pitié.
Faire L’aumône c’est ouvrir son cœur à la pitié, à la compassion, à l’amour très vif de nos frères et c’est donc se centrer sur eux plutôt que sur soi.
Ces trois attitudes sont à l’opposé du péché qui, lui, nous centre sur nous-mêmes en nous coupant de Dieu et des autres.
Recevoir les Cendres, c’est donc admettre que sans Dieu nouds ne sommes rien et que notre vie tombe en ruine.
C’est lui dire que nous croyons en son amour.
C’est dire que croire en lui c’est une bonne chose, une bonne nouvelle, car ainsi nous sommes sauvés.
C’est lui dire aussi que pendant ce Carême sous sommes prêts à le suivre en nous décentrant de nous-mêmes, en nous centrant d’avantage sur les autres, en leur étant solidaires, en partageant ave ceux, en les aimant de notre mieux.
Prions donc. Mais pas n’importe comment : en parlant à Dieu, certes, mais surtout en l’écoutant.
Dieu nous demande de chercher d’abord à faire sa volonté.
Sa volonté : c’est que nous l’aimions par-dessus tout, et que nous nous aimions les uns les autres, comme lui nous aime.
Le Carême nous invite donc à une plus grande attention vis-à-vis des autres pour les aider et partager avec eux.
Accueillons toutes ces invitations et répondons-leur avec joie.
Bon Carême à tous.
